L'interview de Paul Hammelmann, Président de la SECURITE ROUTIERE du Grand-Duché de Luxembourg
Paul Hammelmann coiffe plusieurs casquettes comme celles, qui concernent l'automobile, de vice-président de l'Institut pour le droit européen de la circulation, administrateur délégué de l'Association des compagnies d'assurances et bien sûr Président de la Sécurité routière. Ce juriste de formation est un connaisseur passionné de ce domaine. En tant que Président il mène un combat de convictions : celui de la sécurité. Il est donc intéressant de l'interviewer ici...
Impossible de faire le tour de la question en quelques lignes... Voici, donc, deux questions générales qui en attendent d'autres.
1) - Quel est le bilan en matière de sécurité depuis l'installation des radars au Grand-Duché de Luxembourg ? Les conducteurs adaptent ils leurs comportements ?
Les premiers radars automatiques ont commencé à flasher en mars 2016.
On constate une baisse des chiffres des tués de la route, une tendance constante depuis le début des années 2000, mais qui connaît des exceptions, des années noires. La présence des radars, les différents contrôles de vitesse mis en place ont renforcé cette tendance positive, même si les exceptions restent (ex 2018 et une surreprésentation des accidents mortels et graves de motocyclistes)
Spécification | 2001 | 2005 | 2010 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 |
Accidents corporels | 774 | 777 | 876 | 983 | 941 | 955 | 947 | 988 | 771 |
Mortels | 65 | 42 | 29 | 33 | 29 | 24 | 31 | 22 | 24 |
Non-mortels | 709 | 735 | 847 | 950 | 912 | 931 | 916 | 966 | 747 |
Victimes au total | 1248 | 1100 | 1217 | 1384 | 1235 | 1297 | 1254 | 1318 | 987 |
Tués | 70 | 47 | 32 | 36 | 32 | 25 | 36 | 22 | 26 |
Tués sur place | 57 | 35 | 27 | 23 | 21 | 16 | 23 | 15 | |
Décédés dans les 30 jours | 13 | 12 | 5 | 13 | 11 | 9 | 13 | 7 | |
Blessés | 1178 | 1053 | 1185 | 1348 | 1203 | 1272 | 1218 | 1296 | 961 |
Graves | 352 | 307 | 266 | 319 | 249 | 256 | 273 | 248 | 217 |
Légers | 826 | 746 | 919 | 1029 | 954 | 1016 | 945 | 1048 | 744 |
Source : Statec, Police Grand-ducale
Le radar tronçon a également déjà montré son efficacité puisque le nombre d'infractions a sensiblement diminué par rapport à celles constatées par le radar fixe anciennement placé à Gonderange.
En novembre 2019, dans le cadre de la « mise à jour du plan stratégique national pour la réduction des accidents de la circulation par intervention sur l'infrastructure » une analyse de différents tronçons a montré que :
Sept tronçons avec un radar automatique ont connu une amélioration de la situation :
CR101: Kopstal -Schoenfels (Direndall)
N12: Heiderscheidergrund - Heiderscheid
N12: Wincrange -Asselborn (Emeschbaach)
N13: Welfrange N14: Stegen N7: Hoscheid -Marnach (Dorscheiderhaischen)
N8: Brouch - Reckange.
Sur deux tronçons, la situation est inchangée :
N28: Oetrange -Bous (Pleitréng)
N3: Hesperange - Frisange (Schlammesté).
Sur un tronçon, la situation a empiré :
N5: Bascharage - Helfent (Niderterhaff).
Les chiffres des contrôles montrent également un changement des comportements :
Les chiffres des radars après la première année :
307.590 flashes en un an
1) Schieren: 77.462
2) Merl: 62.333
3) Lipperscheid: 25.951
4) Gonderange: 24.670
5) Schlammestée: 14.681
Et après 4 ans :
Top 10 des radars les plus "efficaces" en 2020 - Données en valeur absolues, correspondant au nombre de véhicules flashés par site.
1) Schieren: 36.632
2) Merl: 27.696
3) Lipperscheid: 12.682
4) Lallange: 11.129
5) Lehrhof: 6.192
6) Schlammestée: 6.145
7) Gonderange: 3.994
8) Belval: 3.889
9) Mersch: 3.850
10) Niederterhaff: 3.383
Source données par le Ministère de la Mobilité"
2) - En dehors de la vitesse, les causes d'accidents sont multiples (téléphone au volant, drogue, inattention,...), quelles sont-elles en général ?
Quelles mesures seront mises en place pour faire diminuer les accidents ? Radar Feu rouge, multiplications des contrôles de police,....quelles autres mesures préventives ?
En 2020, les principales infractions des conducteurs impliquées dans des accidents mortels et graves étaient les suivantes :
- Vitesse excessive ou non-adaptée: 75
- Alcool: 34
- Non observation du droit de priorité: 28
- Franchissement de la ligne de sécurité mitoyenne: 23
- Faute au dépassement: 22
Source : STATEC, Police Grand-ducale
Le téléphone et l'inattention sont des causes d'accidents, mais elles ne sont pas chiffrées au Luxembourg. Des études menées à l'étranger le confirment néanmoins. En Allemagne, on estime que la distraction serait à l'origine d'un accident sur 10.
On sait que lire un message en conduisant multiplie le risque d'accident par 23, cela oblige le conducteur à détourner les yeux de la route pendant en moyenne 5 secondes.
Les mesures sont multiples et variées.
Il s'agit d'information et de prévention (les campagnes et autres activités de La Sécurité Routière, du Ministère et d'autres organisations actives en la matière). Il s'agit de former, d'informer et de sensibiliser les usagers de tout âge, quel que soit leur moyen de déplacement. Notre Coupe scolaire et notre Théâtre de guignol sont ainsi des exemples de formation et sensibilisation des plus jeunes (piétons et cyclistes).
Depuis 2003, le Parquet du tribunal d'arrondissement de Luxembourg propose des stages de réhabilitation aux conducteurs en infraction en matière de vitesse et d'alcool, répondant à des critères bien précis. En 2012, le Parquet de Diekirch a également adopté cette mesure alternative aux poursuites. Les stages qui s'étendent sur 2 journées consécutives sont organisés par La Sécurité Routière et sont assurés – soit en luxembourgeois soit en français – par un psychologue et un spécialiste en sécurité routière.
Ils n'ont pas d'objectif moralisateur mais visent à agir par un travail personnel et collectif sur la mentalité du conducteur en infraction pour lui faire prendre conscience des conséquences de sa conduite; faire évoluer son comportement vers une conduite apaisée et plus sûre; le sensibiliser à la dimension collective de la conduite automobile; le rendre capable de concilier pratique individuelle et respect des autres usagers.
En ce qui concerne les mesures plus répressives : il y a les contrôles de police, les radars automatiques fixes, mobiles, tronçon, chantier, feux-rouge.
3) - Les futurs voitures autonomes, selon vous, sont elles dangereuses pour la sécurité routière ? Expliquez nous pourquoi ?
La conduite autonome n'est pas dangereuse pour la sécurité routière. Bien au contraire : La voiture autonome ne boit pas d'alcool, ne se fatigue pas et a des réflexes bien plus rapides que l'être humain.
Dans la grande majorité des collisions l'erreur humaine (ou la mauvaise volonté) est déterminante dans les raisons de l'accident ; tout comme en aviation, un moyen de transport déjà largement « automatisé » depuis des années, les graves accidents tiennent presque toujours au facteur humain.
Bien sûr, les détracteurs des algorithmes (en cause dans la conduite autonome) se plaisent à argumenter et à relever les quelques exemples de défauts constatés lors de collisions opérées par l'ordinateur.
Nous ne sommes effectivement pour les modèles les plus avancés que dans la phase 3 de 5 phases au total pour être vraiment autonome.
Et subsistera longtemps encore je le crains, des véhicules conduits à dessein par la main de l'homme, ou de la femme bien sûr, de sorte que le parc de véhicules autonomes ne sera sûr qu'à partir du moment où tous les véhicules seront équipés ad hoc et sauront communiquer entre eux.
4) - Les aides à la conduite (détection fatigue, assistance maintien de voie ,....) sont-ils dangereux pour la sécurité routière , si oui pour quelles raisons ?
Les mêmes remarques que celles faites à la question précédente valent pour cette question-ci. Les aides à la conduite remplacent et aident de façon efficace l'être humain. Sauf, et c'est leur grand défaut, qui si l'homme (ou la femme) risque de leur faire trop confiance il ou elle osera plus et prendra plus de risques sachant ou estimant que le système d'aide le lui permet, ce qui n'est pas toujours le cas.
Nous l'avons vu lors de l'introduction des systèmes ABS dans les années 1990 : certains assureurs avaient à ce moment accordé des rabais de prime en assurance casco pour les véhicules équipés en ABS. Or, il a été vite constaté que la sinistralité de ces véhicules n'était guère plus favorable que la moyenne du parc automobile, ceci en raison du fait que les chauffeurs, conscients de leur système de freinage amélioré, pratiquaient une vitesse bien supérieure aux autres, ce qui était contreproductif.
Merci Monsieur Hammelmann pour ce premier petit tour d'horizon. A bientôt.
Photos : Sécurité routière
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